Un favori sur la sellette
« Le Maxi Edmond de Rothschild avait un petit coup d’avance en 2017 du au génie de Guillaume Verdier. Mais la concurrence a énormément progressé. On a la chance d’avoir un armateur qui nous pousse à toujours plus d’audace, donc nous avons de nouvelles armes même si on les garde secrètes ! La version 2023 est meilleure que la 2022, mais tous les bateaux arrivent à maturité et le match va être très serré ». S’il fait toujours mystère des dernières évolutions de son Maxi Edmond de Rothschild, Charles Caudrelier sait que la partie sera moins facile qu’en 2021 où le skipper avait conquis son troisième titre dans la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre en imposant son rythme. Il embarque à ses côtés cette année Erwan Israël, inconnu du grand public mais très respecté du sérail, qui connait le bateau sur le bout des doigts et avait participé au routage de Charles sur la dernière Route du Rhum, achevant un cycle de domination sans partage du plan Verdier sur la Classe depuis 2019.
Deux challengers très affûtés
Mais les dernières 24 heures Ultim disputées à Lorient fin septembre ont montré que Maxi Edmond de Rothschild pouvait perdre. Même si ce n’est que de 3 minutes et dans des conditions bien peu représentatives d’une transat, Maxi Banque Populaire XI a donc mis fin à cette longue série de victoires, tout un symbole ! En échec sur la dernière Route du Rhum suite à la casse de sa dérive, Armel Le Cléac’h revient avec l’ambition et la soif de vaincre qu’on lui connait. Au départ d’une course qui manque à son palmarès, il peut compter sur l’expertise de Sébastien Josse, vainqueur en 2013, l’un des meilleurs spécialistes de ces bateaux, lui qui avait défriché le premier le vol en ULTIM à l’époque où il était le skipper de Gitana 17. Même constat chez SVR Lazartigue qui a remporté cette année la Rolex Fastnet Race, devant le Maxi Banque Populaire XI justement. « C’était un défi technique d’avoir un trimaran fiable pour traverser l’Atlantique en 2021. La notion de performance a pris toute sa dimension depuis. Nous avons des convictions plus fortes… » disait jeudi Tom Laperche, lui qui mènera à partir du 7 janvier prochain SVR Lazartigue en solitaire sur l’Arkea Ultim Challenge.
L’enchaînement des deux courses pèsera-t-il sur la façon de naviguer sur cette Transat Jacques Vabre ? Les réponses à cette question sont plutôt négatives de la part des skippers et le menu météo qui attend les concurrents sur les 48 premières heures poussera plutôt à naviguer à un rythme très soutenu pour échapper au plus gros du mauvais temps. « On ne fait pas les malins. Mais, un peu comme sur la Route du Rhum, on se rend compte que la vitesse des bateaux va être encore une fois un atout pour se sortir assez vite d’un système complexe » rappelle François Gabart qui embarque avec son dauphin Tom Laperche.
Reste qu’une fois sorti des affres de l’Atlantique Nord, les ULTIM ne seront pas tirés d’affaire. Avec 7500 milles, leur parcours, le plus long de cette Route du café, représente l’équivalent de deux transats. Et il comprend notamment un bord de louvoyage contre l’alizé du sud-est après le passage du Pot-au-noir entre Sao Paolo & Sao Pedro et l’île d’Ascension qui promet !
Sodebo Ultim 3 ambitieux et Actual Ultim 3 en embuscade
Cette donnée n’échappe pas non plus aux deux autres trimarans engagés sur cette Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre. Ce sera une première en tant que skipper pour Anthony Marchand, une étiquette qui « ajoute une pression supplémentaire mais c’est une pression qui me manquait jusqu’à maintenant » dit celui qui était déjà de la fête en 2021 comme co-équipier d’Yves Le Blévec. Anthony s’appuie cette année sur la connaissance des grands trimarans de Thierry Chabagny (Spindrift mais aussi le Maxi Banque Populaire XI) pour l’épauler sur la route de Fort-de-France. Leur Actual Ultim 3 est le plus ancien des cinq ULTIM (l’ancien MACIF de François Gabart lancé en 2015), mais il n’a cessé de progresser pour combler son retard, notamment au près et dans son seuil de décollage. Il est équipé d’une nouvelle paire de foils que l’équipage avoue « continuer à apprivoiser » mais c’est une machine éprouvée qui n’a jamais eu de grave souci technique.
Ce n’est pas le moindre des atouts dans le mauvais temps où les performances entre les différentes générations d’ULTIM ont tendance à se lisser.
« Au-delà de 25 noeuds et 3 mètres de vague, on passe dans un mode de vol plus dégradé » confirme Thomas Coville, double vainqueur de l’épreuve, qui s’aligne avec Thomas Rouxel pour la deuxième fois sur Sodebo Ultim 3, contraint à l’abandon en 2021. Le skipper des Tours du monde, 10 cap Horn dans sa besace, a toujours été à l’aise dans la grosse brise avec ce trimaran dont la conception lui doit beaucoup. Son équipe a déployé toute son énergie ce printemps pour compenser son déficit dans le petit medium où il s’était montré moins véloce que le Maxi Edmond de Rothschild et SVR Lazartigue sur la dernière Route du Rhum. Le réglage des foils a été simplifié ce qui a participé à un allègement sensible de la plateforme et le mât a été rallongé de deux mètres, au maximum de la jauge, avec un nouveau jeu de voiles à la clef. Bref, Sodebo Ultim 3 n'a jamais été aussi performant et Thomas compte aussi sur la force de son binôme pour s'imposer : "Nous n'avons pas fini cette histoire de Jacques Vabre et de duo avec Thomas. Ces dernières années, au fil de nos navigations communes, nous avons noué beaucoup de complicité et de complémentarité. Au départ, nous serons l’équipage le plus rodé..."
A ce panorama de la classe ULTIM il faudrait ajouter le match des routeurs. Comme en Ocean Fifty où l’assistance météo est autorisée, le choix des trajectoires et la qualité de communication avec les équipes à terre, font partie intégrante de la performance mais aussi de la sécurité.